LES EYGUESIER DE VENELLES DEPUIS LE XVIIème SIECLE
Originaires de Puyloubier, nos ancêtres Eyguesier s’implantent à Aix à la fin du XIVème siècle, puis à St-Canadet près du Puy-Ste-Réparade au milieu du XVIème. Enfin dans la seconde moitié du XVIIème siècle, en 1676, Jean Antoine Eyguesier né à St-Canadet en 1650 se marie avec Cécile Silve à Venelles et s’y fixe.
Venelles compte à cette époque quelque 400 habitants. La plupart des maisons sont groupées sur la hauteur autour du vieux château féodal du XIIIème siècle, de l’ancienne église St Hippolyte qui sera reconstruite en 1868 puis transformée après le tremblement de terre de 1909, du moulin à vent édifié depuis peu en 1662 et qui restera en activité jusqu’en 1904. Traversant la plaine, une importante voie de communication empruntée depuis les temps les plus reculés pour le transport du bois, du sel, pour le passage des voyageurs, des marchands, des troupeaux en transhumance… relie la Méditerranée aux Alpes. Deux hameaux sont implantés sur son parcours : Les Logis au sud-est et en contrebas du village, Les Logissons au sud-ouest dans la direction d’Aix. Sur le territoire divisé en plusieurs fiefs jusqu’à la Révolution sont dispersés quelques fermes et quelques châteaux et bastides : Fontcuberte, St Hippolyte, Violaine, Montravail… Le pays est essentiellement agricole et partout, jusque sur les pentes des collines et du village aménagées en "restanques" pour lutter contre l’érosion, les paysans cultivent du blé, de la vigne, des oliviers, des amandiers.
Les Eyguesier sont des cultivateurs, comme 80% de la population active en France au XVIIème siècle et certains de leurs descendants le resteront jusqu’au XXème. Ils demeurent au quartier de Montravail, plus précisément aux Logissons où les cadastres de 1700 et d’avant la Révolution nous apprennent qu’ils possèdent "terres, vignes, oliviers, bâtiments, écuries, cour, aire de battage", biens auxquels s’ajoute "l’usage d’un four". Les bâtiments existent encore en 2005 et l’aire pavée se devine à proximité à travers les herbes, même si des constructions récentes ont modifié l’aspect des lieux.
Le contrat de mariage entre Sauveur Eyguesier, le petit-fils de Jean Antoine, et Magdeleine Beauvois établi en 1758 par Maître Rambot, notaire royal d’Aix, nous permet d’imaginer la vie de cette famille paysanne dans ce hameau au milieu du XVIIIème siècle. Tandis que Jean Beauvois, travailleur de Venelles, attribue à sa fille Magdeleine une dot de 400 livres plus 258 livres en "coffres, robes, bagues et joyaux", Jean Eyguesier, également travailleur de Venelles, fait donation à son fils Sauveur, un de ses 8 enfants vivants, "en premier lieu d’une partie du batiment qu’il possède et habite au terroir de Montravail sur le chemin dudit Venelles faisant face au midy consistant en un appartement à pleinpied sur le devant servant de cuisine et un autre appartement sur le derrière servant de décharge et une chambre au-dessus sur le devant et une autre sur le derrière, en second lieu de deux journaux de terre et vigne aprendre du cotté du midy […], en troisième lieu d’une proprietté de terre complantée de vigne et olliviers de la contenance de deux carterées située audit terroir de Montravail quartier de Tourrevelle […] et en quatrième lieu de deux tonneaux tenant ensemble environ quinze millerolles d’un l’un est cerclé de fer et lautre de bois, lequel Sauveur Eyguesier aura la faculté de placer quatre tonneaux dans la cave de ladite maison et de faire bouillir les raisins dans la cuve d’icelle et de faire alternativement la première et la seconde bouillie desquels biens cy-dessus donnés ledit Eyguesier père s’est démis et dépouillé […] prometant en outre ledit Eyguesier père de nourrir et entretenir lesdits futeurs mariés et famille qu’il plairra a Dieu leur donner sains et malades dans sa maison à sa table et ordinaire en travaillant par eux au proffit et avantage dudit Eyguesier et en cas d’insuport ledit Eyguesier père de donner aux futeurs mariés trois charges bled et quinze millerolles vin et des meubles pour garnier une chambre suivant leur état se réservant en outre ledit Eyguesier père la jouissance pendant sa vie de la chambre du derrière faisant partie de la donnation cy-dessus […]"
Après son mariage Sauveur associe au travail de la terre l’activité d’aubergiste qu’il partage avec les Beauvois, membres de sa belle famille et, semble-t-il, propriétaires de l’auberge. A cette époque en effet deux importants relais de diligences accueillent les voyageurs le long du "chemin d’Aix", l’un aux Logis, l’autre aux Logissons. Mireille Eyguesier, la doyenne de la famille à Venelles en 2005, tient de ses ancêtres que l’auberge et le relais des Logissons se situaient du même côté sud de la route, le relais étant actuellement le siège d’une menuiserie. La large entrée en belles pierres de taille de celle-ci rappelle son ancienne destination.
Il apparaît, au vu d’une brève étude sur les 5 générations de nos ascendants directs Eyguesier et de leurs épouses, depuis Jean Antoine Eyguesier et Cécile Silve au XVIIème siècle jusqu’à François Eyguesier et Marie Anne Guilhelmin au début du XIXème, que tous jouissent d’une constitution particulièrement robuste. En effet la moyenne d’âge de décès des couples de ces 5 générations est de 69,9 ans (70,6 ans pour les hommes et 69,2 ans pour les femmes). Or à cette époque l’âge moyen au décès est de 20 ans au XVIIème siècle et de 30 ans à la fin du XVIIIème. Même si l’importante mortalité des enfants en bas âge fausse ces moyennes, on peut s’étonner de la longévité de nos aïeux ! D’autre part, durant ces 5 générations, les femmes, qui ont coutume de participer souvent avec leur mari aux travaux des champs, n’en assurent pas moins une nombreuse descendance en mettant au monde respectivement 7, 9, 5, 5 et 5 enfants.
Par ailleurs la terrible peste de 1720 qui fait environ 100000 victimes (Marseille y compris) sur une population d’environ 400000 habitants en Provence et qui tue 24 habitants de Venelles épargne la famille Eyguesier. Certes l’acte de décès du 29/10/1720 de François Peisson, le beau-père de Jean Eyguesier, précise : "à cause du soupçon de peste il n’a pas été enterré en terre bénite", mais la cause du décès n’est pas absolument certaine, de même que pour 4 autres cas, car il est précisé pour les 24 cas patents : "mort" ou "morte de peste".
Au XIXème siècle, la population de la commune se situe entre 700 et 800 âmes et l’agriculture reste toujours la principale activité des Venellois. Vers 1830, le comte de Villeneuve dans la Statistique des Bouches-du-Rhône présente les habitants de Venelles comme "uniquement occupés de travaux agricoles. Ces occupations les rendent peu communicatifs et peu désireux de savoir ce qui se passe autour d’eux ; mais ils vivent dans la plus grande union et leurs mœurs sont simples et régulières." écrit-il. S’il est exact que les Eyguesier sont encore des cultivateurs à cette époque, laissons à l’auteur la responsabilité de cette appréciation car la généalogie ne nous permet pas de trancher !
Le XXème siècle est porteur de grands bouleversements. Le tremblement de terre du 11/06/1909, s’il ne fait qu’une victime à Venelles sur 46 dans la zone sinistrée, occasionne cependant d’importants dégâts à l’église et aux maisons du village perché qui se reconstruit par la suite au pied de la butte autour de sa nouvelle église. La guerre de 1914-18 fait 16 tués, celle de 1939-45 en fait 4. Les Eyguesier de Venelles ont la chance d’être épargnés, ce qui n’est pas le cas à Vauvenargues de 3 frères de la même famille âgés respectivement de 33, 31 et 27 ans, Emmanuel Marius, Justin Eugène et Ermin Gabriel Eyguesier, descendants de Sauveur, qui ne reviendront jamais de la "Grande Guerre"… Par ailleurs les paysans abandonnent peu à peu les terres pour d’autres activités et nombre d’habitants quittent la commune. Venelles se dépeuple et ne compte plus que 512 âmes en 1931 et 621 en 1962. Mais la population connaît une croissance exponentielle à partir de cette date et atteint à ce jour près de 8000 personnes, suite au développement économique environnant et à l’attrait de l’habitat rural.
Au fil du temps et notamment au cours des XIXème et XXème siècles plusieurs Eyguesier de Venelles se sont dispersés vers Aix, Vauvenargues, Meyrargues, St-Cannat, Ventabren, Marseille et au-delà, mais une branche est restée aux Logissons et habite encore aujourd’hui sur les terres acquises par ses ancêtres il y a plus de 300 ans. Et en ce début du XXIème siècle la rue qui conduit à l’ancienne maison de famille se nomme "Impasse des Eyguesier", comme il existe à Aix dans le bourg St-Sauveur une autre "Impasse des Eyguesier" dans laquelle au Moyen Age nos aïeux de Puyloubier sont venus habiter il y a plus de 600 ans.
© Colette DIJOUX, descendante des EYGUESIER, 2005.